PHOTOGRAPHIE DE PIERRE JOLY ET VERA CARDOT RETOUCHEE
LE JAS DU REVEST-SAINT-MARTIN
"(...) ce qui allait totalement modifier l'existence de la maison d'édition, ce fut son départ de Paris vers la province. Robert Morel connaissait bien le midi, il y avait vécu et en avait gardé peut-être le regret. Un voyage en Provence d'Odette Ducarre entraîna la décision. Elle venait de recueillier un petit héritage à la suite de la succession de son père et, dans l'enthousiasme, le couple acheta un hameau en ruines, le Jas du Revest-Saint-Martin, à huit kilomètres de Lurs et à douze de Forcaltier. Peu à peu, les maisons furent relevées, selons les plans d'Odette Ducarre. Le transfert s'effectua, semble-t-il, au printemps 1962.
Une lettre de mai 1962 en expose les raisons au P. Lelong, domincain devenu l'ami du couple en même temps qu'un des auteurs de la maison:
"Pourquoi avons-nous quitté Paris ? A cause du bruit, de la nervosité des grandes villes qui finissent par nous faire accorder beaucoup trop d'importance à tout ce qui se passe à l'extérieur."
Et en février 1963:
"S'il était besoin d'exposer ce qui nous a fait prendre nos distances avec Paris et transporter si loin notre maison d'édition, nous aurions tout dit en deux mots : la vie parisienne ... On ne crée pas des livres comme une marchandise quelconque : un climat indemne d'artifice ne pouvait que nous aider.""
Extrait de "Carrière et production d'un éditeur moderne" par Anne Sauvy
«
(…)
Le lieu, d’abord. Cette lente et imposante construction eût refusé
le Paris impatient et fébrile, âpre et gris, des gens affairés.
Elle voulait un pays à la fois lumineux et en marge. Ce fut la Provence.
Non celle, diserte, aimable, d’un Paul Arène ou d’un Daudet,
mais la Provence austère « et même un peu farouche »
du noir Giono.Pour gagner le Jas mythique, siège des éditions,
il fallait longuement traverser des reliefs ravinés ,baignés
d’un lait-de-lune en suspension, et si désolés que l’on
craignait que la route étroite ne vous fît soudain faux-bond.C’est
là, dans ce pays pétré, sous un ciel impavide, en vue
de la montagne de Lure, qu’une bergerie avait été relevée
pierre à pierre, à plat ou sur champ, et lauze après
lauze.Un figuier des ruines, qu’on ne s’était pas résolu
à couper, s’épanouissait dans l’un des bureaux.
Par moment, les bondissements d’une musique dorée du XVIIIe siècle
vous parvenaient : Marie Morel, quand elle ne dessinait pas ou ne s’était
pas réfugiée dans un arbre parce que le monde y est pur, Marie
jouait de la flûte traversière. Quel lieu eût été
plus favorable pour donner lucidement corps à une pensée? Serais-je
seul à percevoir des affinités entre maints livres conçus
au Jas et la rectitude des arêtes du hameau, les coloris violents ou
délicats du paysage ? »
Extrait de « Sur une œuvre éditoriale », dans « Robert Morel inventaire »
François Solesmes
En cliquant sur cette "revue", vous trouverez "Un village qui revit: Le Jas du Revest-Saint-Martin", texte de Bernard Clavel, et des photographies de Pierre Joly et Jean Aimard.
En cliquant sur cette "page" du figaro littéraire, vous trouverez un article, qui décrit les difficultés de Robert Morel au Jas du Revest-Saint-Martin ... (c'est long à charger...)
En cliquant sur cette "page" du Monde, vous trouverez un autre article.
"Je
vous parle toujours de ce qui va, de ce qui avance, de ce qui se fabrique,
mais jamais des difficultés. Il y en a. Et elles ne sont pas drôles.Elles
ne tiennent pas à notre éloignement de Paris, à notre
position en marge des habitudes, à notre production qui essaie d’être
toujours jeune et vraie, à nos moyens financiers fort modestes…
mais à l’environnement. Quand nous avons pris possession du jas,
il y aura 5 ans à Pâques, nous faisions confiance aux 5 familles
qui restaient, aux promesses du maire et des proches propriétaires.
Par décision du Conseil Municipal (pour vous donner un exemple), il
nous avait été attribué la moitié du débit
d’une source communale inutilisée. Nous étions encore
à Paris. Il était impossible de faire quoi que ce soit si nous
n’avions l’eau. L’adduction fut faite à nos frais
(800 mètres). L’été dernier, le maire et son fils
nous l’ont détruite à coups de pioche. Quand nous avons
voulu la rétablir, le maire m’a menacé de mort. Il se
dit dans son droit : il n’y a là la mairie (dont la porte est
fermée par une pierre) et dont les anciennes archives sont la proie
des rats, aucune trace de la délibération, ni d’aucune
autre d’ailleurs. La Préfecture – qui était au courant
– ne l’a jamais réclamée non plus. C’est un
exemple d’une mentalité que l’on retrouve bien dans les
romans de Giono : la malfaisance. Chemins coupés, champs des voisins
envahis par les bêtes, arbres massacrés, téléphone
arraché, chantage, etc. C’est quotidien ; cela dure depuis plus
de cent ans ; et Lurs (affaire Dominici) est à 5 Km. Nous sommes adoptés
; ils nous traitent comme ils se traitent entre eux.
Mais nous ne sommes pas venus ici pour ça. Et devant cette insalubrité
sociale, communale, morale, nous avons décidé de changer de
rue.
Vendre les 10 maisons du Jas, vendre les maisons reconstruites par les employés
et les amis qui ont décidé de partir aussi ; retrouver un très
vaste terrain à l’abandon (800 hectares) ; construire et reconstruire.
C’est accablant, c’est insensé, mais c’est l’avenir.
»
Robert Morel, dans la lettre du Jas N°5,
22 février 1967
ici deux pages du mogel interior design de 1965
Ici ou ici vous trouverez quelques photographies des lieux
Ici, d'autres photographies, mais à aller chercher sur le site du Centre Pompidou...
Ici, quelques lignes dans un livre qui traite des villages abandonnés...
Ici, une page avec trois photos dans un magazine d'époque
Alors ensuite, il y a eu les Hautes Plaines de Mane
Une maison d'édition hors de Paris,
une des motivations à créer le Prix Robert Morel