L'Eglise, qui a toujours su ramasser, à retardement les mouvements populaires, et leur passer sa chasuble, depuis la mort de Jésus - on peut prendre cela pour un compliment, dirait le Père Lelong - incendia le Coeur Sacré de Jésus, puis le Coeur Meurtri de Marie.On lui doit une expression nouvelle : Le Sacré Coeur , qui fit pendant près de cent ans fortune

Et pourtant ce n'est ni dans la religion, ni dans le design, que le coeur règne aujourd'hui impérativement.

Quelle révolution !Le coeur a gagné les lieux publics, graffiti le plus cru et le plus populaire, le mieux lisible, dans tous les Pays.

Ce coeur, dessiné, écorché, troué, caressé, provoqué par des mains anonymes, sur les murs des prisons, des usines et de cabinets publics, sur l'envers de portes, sur les flancs des monuments, sur le tronc des arbres, sur la panse des sculptures, n'importe où, vraiment n'importe où, penchant non dissimulé pour le domaine sexuel.

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Des coeurs décorés d'initiales - proclamations ? souhait ? ...- et des coeurs percés de flèche, on glisse trivialement vers les coeurs tout simplement percés d'un trou central. Le trou est creusé profondément. On ne peut pas imaginer autre chose.Le coeur coïncide au cul ; et c'est la meilleure clé des multiples sens que le coeur a pris dan le symbolisme populaire.

Le comble de ce mariage, qui nous rappelle à la réalité charnelle de tous les sentiments, est atteint quand le coeur tout entier devient l'oeillet du cul, comme c'est le cas dans ces bâtons d'os, de bois, de terre cuite ou d'ivoire, percés de la sorte en tête et achevés en que sous forme de pénis, dont on ne sait toujours pas 'il s'agit là d'un outil ou d'une amulette, à caractère masturbatoire ou initiatique, pour le jeu, le plaisir ou la fécondité.Ces objets où le coeur et le sexe sont inséparables datent du magdalénien.C'est-à-dire qu'ils ont quinze mille ans !

Ils apportent la preuve que je cherchais : si le coeur est l'un des plus fréquents symboles de l'écriture populaire actuelle, ce n'est pas par hasard. La leçon faut donnée il y a très, très longtemps : nous en avons perdu la trace et l'usage commun pendant quelques millénaires. Aux sociologues de nous expliquer pourquoi.

Qui a donne les premières leçons ?

Peut-être qu'à dessiner des coeurs sur toues le surfaces, mortes et vivantes, et à tout propos, retrouverons-nous le geste originel et, plus tard, pourquoi pas ? la protection de son malicieux et lucide inventeur. »


Robert Morel dans COEUR, publié par LE REVEIL QUI SONNE, 1978

 

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PHOTO TIREE DE

COEUR, publié par LE REVEIL QUI SONNE

   

 

 

  robert morel