FRANCOIS SOLESMES

François Solesmes

 

 

L'AMANTE - CELEBRATION DE LA MER - CELEBRATION DU CORPS - LA TERRASSE

FRANCOIS SOLESMES PARLE DE ROBERT MOREL

(...) Enfin il y eut le maître d'oeuvre. Lequel aurait pu écrire une conférence intitulée : « Des rapports de l'édition telle que je l'entends, et de la fabrication familiale des confitures. »

Comme il advient souvent chez les riches natures, l'homme était divisé contre lui-même. Une part quêtait le spirituel et on eut vu sans surprise Robert Morel sous la bure d'un moine franciscain, cependant qu'une autre part, en lui, jubilait d'être incarnée et de se trouver dans l'ici et le maintenant. Une part relevait de cette enfance qu'émerveillent les cerfs-volants et les feux d'artifice, une autre s'intéressait au versant ombreux de la création - des blasphèmes aux filles de joie et aux démons.

Jeune, l'homme eut des révoltes honorables ; sa silhouette pourra s'étoffer, il ne sera jamais de ces tièdes que vomit l'Ecriture. Muselée, la véhémence ne sous-tendait pas moins les propos que les faits et gageures à relever. Aussi faut-il, à son égard, écarter l'expression réductrice de bon vivant pour celle - qui admet la hauteur d'âme et la richesse du coeur - de grand vivant. Et il n'est pas tant d'hommes, à en croire les femmes, qui aient le goût et le sens de la Fête... (Il devait découvrir que les financiers en sont absolument dépourvus.)

On a loué, vaste et multiple, sa générosité. Elle se pressent dans ces années où l'éditeur, en lu, donne congé à l'auteur. Un congé, certes, qui ne sera jamais définitif : n'aurait-il composé aucun ouvrage, au temps du Jas, que sa correspondance - au crayon « parce que c'est plus tendre » - , ses lettres aux libraires ou tels messages de voeux pour le nouvel an, abondent en bonheurs d'expression qui sont d'un écrivain- né. Et qui n'a senti ses achevés d'imprimer tentés par le poèmes ?

Cette générosité devint patent pour ses visiteurs qui repartaient les bras chargés de livres, et nul doute qu'il aurait donné, pour le plaisir, la totalité de sa production si cela n'eût été par trop déraisonnable. Un arbre fruitier fait-il commerce des grenades ou des coings, des figues ou des abricots qui ploient ses branches ?

Mais le désintéressement de l'homme paraît encore dans les choix de l'éditeur. Que de titres auront été retenus contre toute prudence, ainsi des derniers écrits d'un André de Richaud voué à la plus noire détresse par le reste de l'édition !... Que d'oeuvres ne doivent de survivre en nos mémoires oublieuses, que pour avoir été élues par lui, puis revêtues d'un costumes portant sa griffe !...

  La chance insigne d'un véritable auteur à ses débutes est de rencontrer un éditeur enthousiaste dont la confiance va l'obliger, comme on le dite de la noblesse. Robert Morel aimait admirer. Libéralement. Le génie adolescent d'une Mireille Sorgue qu'il découvrit par un écrit que je lui adressai, devait le bouleverser à demeure.

Terrien d'affinité, franc-tireur épris d'innovation, homme du plaisir et de la Joie, homme à la plus large sensualité - laquelle est vertu, et cardinale, puisque la générosité de jugement et de conduite lui est, le plus souvent, inhérente, - Robert Morel a édifié, par gourmandise, une oeuvre à son image.

Sauf à ne pas vendre leurs tableaux, les peintres modernes ne prennent une vue d'ensemble de leurs création qu'à la faveur de rétrospectives. L'éditeur eût été moins amer, à la fin de sa vie, s'il avait pu percevoir combien son oeuvre, une fois déployée, ravit, envoûte l'espace - telle une gerbe d'hélianthes que l'on dispose dans une pièce ; et combien notre oeil, notre toucher, de près et à distance, combien l'oreille même, s'enchantent des valeurs tactiles qui rayonnent de cette constellation colorée. Il aura manqué, oui, à son auteur, de voir l'oeuvre cristalliser à la façon d'une géode, à la façon aussi des confitures ! Nous sommes ici à l'opposé de la « maigre immortalité, noire et dorée » que dénonçait Valéry : dans la grisaille de tant de bibliothèques, des livres singuliers, aux couleurs de la vie, nous font signe. Signe d'amitié.

(...)

François Solesmes

Extrait de Robert Morel Inventaire, édition équinoxe, pages 9 et10

 

CHANTAL VIEUILLE PARLE D'EUX

François Solesmes à publié plusieurs titres chez Robert Morel, L'AMANTE, LA TERRASSE, LA CELEBRATION DU CORPS, LA CELEBRATION DE LA MER. Cet écrivain, longue et mince silhouette toute en distinction, homme de culture, spécialiste du peintre Georges de la Tour, compte sans aucun doute parmi les plus fidèles auteurs de la maison. Longtemps, il demeure à l'écoute de sa vie mouvementée. Est-il besoin de préciser qu'il est à l'origine de la rencontre littéraire entre Mireille Sorgues et Robert Morel ?

"Propos d'écriture" de Chantal Vieuille, dans le Robert Morel de Marcel Garrigou, page 122

 

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